Contribuer à soigner les traumatismes des Personnes déplacées internes par la fusion des savoirs psychologiques et des pratiques artistiques, tel est l’objectif du projet « Théâtre de l’apaisement ». Porté par l’Institut de Recherche Théâtrale du Burkina (IRTB) et cofinancé par le Fonds INITIATIVE SAHEL, le projet touche une centaine de femmes déplacées internes issues de 9 villages de la commune rurale de Gogo, dans le Centre-Sud. Le lancement officiel est intervenu ce samedi 10 août 2024, en présence des autorités administratives et coutumières de ladite commune.
Depuis quelques années, le Burkina Faso traverse une situation sécuritaire délétère, qui a occasionné d’énormes problèmes, au nombre desquels le déplacement massif des personnes. Pour soulager les souffrances de ces personnes déplacées internes, les initiatives ne cessent de voir le jour. Le projet « Théâtre de l’apaisement » entre donc dans ce cadre. Il s’agit en effet, d’un concept qui passe par la fusion du savoir-faire artistique et psychologiques pour offrir des outils d’apaisements des traumatismes, à travers l’animation d’ateliers de théâtre thérapeutique.
« À l’IRTB, nous avons pour objectif de requestionner notre théâtre afin qu’il soit un art de proximité avec les populations. L’idée, c’est de voir comment notre théâtre peut être un art au service de la société. C’est ce qui nous a amenés, dans la crise que nous vivons, à nous demander ce qui pourrait être notre contribution, surtout dans l’apaisement des traumatismes des PDI. Nous sommes donc arrivés à l’idée d’aller vers le monde de la psychologie pour essayer de fusionner les savoirs artistiques et ceux psychologiques afin d’avoir de nouveaux outils à expérimenter », s’est expliqué Paul Zoungrana, Directeur de l’IRTB, par ailleurs comédien, metteur en scène et auteur dramaturge.
Pour sa 2e édition, le projet couvre environ une centaine de femmes et de jeunes filles, issues de 9 villages des communes de Gogo et de Manga. Des dires du directeur de l’IRTB, le projet se déroule sur deux volets. Le premier consiste à apaiser les traumatismes des PDI, à travers des ateliers artistiques en leur proposant des exercices d’art et de psychologie afin qu’elle puissent se reconnecter avec l’imaginaire, l’espoir. Cela vise à leur permettre de puiser dans les valeurs endogènes afin d’aller en avant. « C’est un processus où le patient se soigne lui-même », a confié monsieur Zoungrana. Le 2e volet s’articule autour de la création de revenus au profit de ces femmes. Il est donc prévu des formations et des renforcements de capacité en entreprenariat, en développement personnel, en gestion de micro-entreprise, en fabrication de savon liquide et la création d’œuvres artisanales de perlage.
Notons que la commune de Gogo compte plus de 4852 PDI, majoritairement des femmes. Et la particularité de la gestion de ces PDI et l’implication des autorités administratives et coutumières de la commune ont facilité la sélection des différentes participantes au projet. En effet, les PDI sont reçues dans des familles d’accueils en vue de faciliter leur intégration mais aussi pour une prise charge structurée et contrôlée. C’est pourquoi le Président de la Délégation Spéciale de la commune, Issa Tiendrebeogo, a saisi l’opportunité pour adresser sa gratitude à l’IRTB, au regard de l’apport significatif du projet, sur le plan de la prise en charge psychologique des PDI, aux efforts déjà consentis par la commune.
A en croire le Directeur de l’IRTB, des tests cliniques ont été réalisés afin de bien comprendre les besoins de ces femmes. Ces tests ont permis de détecter des problèmes comportementaux, cognitifs, somatiques et émotionnels. « C’est en fonction de ces différents types de problèmes que la psychologue clinicienne, Yvonne Ouattara et les artistes que nous sommes essayons d’apporter des solutions », a-t-il dit. Après donc quelques semaines d’activités, des tests comparatifs réalisés ont permis de savoir que le niveau de traumatisme de ces femmes s’est nettement amélioré. Odile Zemtoogo, porte-parole des participantes, s’est d’ailleurs exprimée en ces termes. « La plupart d’entre nous étions très affectées psychologiquement. Mais après quelques semaines déjà de travail avec les initiateurs du projet, nous nous sentons mieux. On espère que ça continuera ainsi jusqu’à ce que nous recouvrions totalement ». Aussi, a-t-elle salué l’IRTB pour les différentes formations en vue de leur autonomie.
En rappel, plusieurs autres structures prennent part au déroulement des activités du projet, notamment Maya Design dans le domaine des formation en conception d’œuvres artisanales, et le cabinet de psychologie et de conseil Wassa Miria de madame Ouattara. La clôture du projet est attendue en fin juin 2025, avec à la clé une série de diffusions d’un spectacle psychothérapeutique auprès de déplacées internes.
Par Boukari OUEDRAOGO